Selon le rapport publié le lundi 28 octobre par Ressources Matters et GEC, le groupe d’étude sur le Congo, l’Agence pour le développement et la promotion du projet Grand Inga (ADPI), l’institution responsable de la gestion du barrage, est confronté non seulement à un manque de moyen financier pour son fonctionnement mais aussi à un déficit d’expertise. Entre les mains quasiment de son coordonnateur, l’ADPI devrait avoir les meilleurs experts pour négocier avec les deux multinationales qui s’apprêtent à réaliser le projet Inga 3 dont le coût est évalué à plus de 14 milliards USD.
Le projet Inga 3 est le plus grand projet que détient pour le moment la République démocratique du Congo. Ce projet devrait générer 11 000 MW d’énergie électrique destinée tant pour l’exportation que pour réduire le déficit de consommation nationale. Sa réalisation nécessite environ 14 milliards USD pour espérer voir la fin des travaux vers 2028, selon les estimations les plus optimistes.
C’est donc le plus grand projet de la République à moyen terme auquel le pays est engagé. Cependant, la gestion de ce projet se fait dans l’opacité, dans l’ombre. C’est l’héritage de l’ancien régime sous Joseph Kabila. En 2015, la présidence de la République a mis sous son unique tutelle l’ADPI afin d’avoir la maîtrise de toutes les négociations de ce projet qui piétine depuis 30 ans maintenant.
Dans leur rapport publié le lundi 28 octobre intitulé “Inga 3: un projet gardé dans l’ombre” , Ressources Matters et GEC soutiennent que cette mise sous tutelle a été à la base notamment du départ de la Banque mondiale et des partenaires extérieurs qui devaient financer certaines études et payer les experts affectés à ce projet.
“Le retrait des bailleurs multilatéraux a entièrement transformé la dynamique du projet. L’ADPI est vite confrontée à des problèmes financiers et techniques
qui bloquent l’avancement de l’appel d’offre et la réalisation des études à mener. Contrairement aux anciennes structures qui avaient fait preuve d’ouverture, l’Agence se replie sur elle-même, coupant les interactions avec les autres institutions ainsi qu’avec le public. Les informations sur l’évolution du projet sortiront désormais au compte-goutte”, indique le rapport décrivant la situation entre 2016 et 2018, soit après la mise sous tutelle de la présidence de la République de l’ADPI.
Selon les rédacteurs de ce document, l’ADPI devait émaner du budget des bailleurs de fonds, qui avaient prévu au moins de 21,4 millions de dollars
pour son fonctionnement, son staff et ses conseillers externes et ce, sans compter l’appui juridique et financier externe pour l’élaboration des documents juridiques, à l’instar de la loi Inga et du contrat de collaboration exclusive avec le développeur.
“La présidence de la République n’a pas compensé la lacune ainsi créée, le gouvernement étant peu encouragé à allouer un budget considérable à une
structure dont il est exclu. En 2017, la Gécamines, qui ne joue pas de rôle officiel dans le projet Inga, versé environ 200 000 dollars à l’ADP, comme bouée de secours, pour son fonctionnement. Avant de pouvoir procéder à l’analyse des offres soumises et de poursuivre le dialogue avec les candidats, l’ADPI finit par solliciter de la part des deux consortiums l’autorisation d’utiliser les primes qu’ils avaient versées à l’Etat au moment de la soumission de leurs offres en octobre 2016 : 3 millions de dollars au total. En juin 2018, l’ADPI sollicitera à nouveau aux deux consortiums la « prise en charge des financements des coûts du processus de sélection supportés par l’ADPI-RDC et ses conseillers Orrick Tractebel et Lazard. Les deux consortiums semblent avoir accepté cette requête, tout en précisant que cet appui devra être remboursé ultérieurement”. C’est ainsi que décrit les soucis financiers de l’ADPI.
Autant dire que l’ADPI demanderait à présent l’appui financier à ceux avec qui elle est supposée négocier en toute indépendance, et ce après avoir
écarté l’appui des bailleurs par crainte d’interférence étrangère et atteinte à la souveraineté. “Ceci affecte directement son pouvoir de négociation et risque de mener au type d’accord déséquilibré que les bailleurs avaient dit vouloir éviter”, note le rapport.
La conséquence de ces soucis financiers de l’ADPI est qu’elle ne lève que des maigres moyens financiers pour son fonctionnement et n’est en mesure de financer les multiples études que la Banque mondiale comptait appuyer. Pour preuve, le panel de neuf experts en sécurité des barrages recruté est reparti sans travailler faute de financement. Pire, le lancement des études sociales et environnementales est suspendu sine die, ce qui n’a pas empêché le gouvernement de signer l’accord de développement exclusif avec les groupements Chine Inga III et ProInga en 2018.
La plus grande crainte chez la société civile est que le projet se réalise sans que l’impact sur l’environnement soit étudié et pris en compte. Alors que la loi cadre sur la protection de l’environnement demande pourtant que des études d’impact soient menées avant l’attribution d’une concession.
Ainsi, le rapport demande à l’actuel président de la République, Félix Tshisekedi, en fonction depuis le 24 janvier 2019, pour créer les conditions de transparence nécessaires à la gestion du plus grand projet de la République et qui devait notamment est géré en vue de répondre principalement au déficit en énergie électrique de la RDC.
Amédée MK
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